A la veille de la sortie de son film Les Engagés, Emilie Frèche évoque son amour pour Deauville

Emilie Freche
Emilie Frèche réalise son premier long métrage « en solo », Les Engagés, qui sort mercredi sur les écrans. ©SQ

D’où vient votre lien affectif avec Deauville ?

De l’enfance. Ma grand-mère possédait un petit appartement Villa Elisabeth. J’y passais tous les mois de juillet. J’en garde un très bon souvenir. 

C’est la raison pour laquelle vous avez acheté une maison à Bénerville ?

J’adore bâtir, faire des travaux. Je rêvais d’avoir quelque chose face à la mer. En 2015, j’ai trouvé une maison de 50m² dans un état de délabrement avancé, alors je me suis lancée. J’adore cet endroit pour y passer des week-ends avec mes enfants, je la prête aussi aux copains. C’est un point de chute pour se retrouver.

Vous avez récemment présenté votre film Les Engagés à Deauville, quel accueil a-t-il reçu ?

Franchement formidable. J’étais très contente parce qu’à part deux couples d’amis, je ne connaissais personne dans la salle. J’étais ravie de voir que les spectateurs étaient venus par envie de voir le film. La salle était pleine. En sortant, plusieurs personnes m’ont dit : « merci, vous avez fait bouger notre regard ». On entend parler d’obligation de quitter le territoire, de crise migratoire… à chaque problème d’insécurité, ces sujets ressortent.

La force de la fiction c’est de rentrer dans un sujet par la lorgnette d’une petite histoire, de s’identifier et de comprendre la psychologie des personnages.

Quel est votre regard sur l’engagement aujourd’hui ? Que veut dire ce mot dans notre société ?

Je trouve que c’est fondamental. Je suis époustouflée par les gens. Il y a douze millions et demi de bénévoles en France, ça veut dire autant de personnes qui donnent gratuitement de leur temps pour une cause. C’est un Français sur quatre et c’est ce qui m’a bouleversée quand j’étais à Besançon. Voir comment des gens qui n’avaient pas la même origine, ni le même milieu social, le même âge, la même culture tout d’un coup se retrouvent autour de valeurs communes et d’un projet commun est saisissant. C’est cela faire société, c’est cela faire famille et c’est cela faire de la politique. Cette politique de proximité au quotidien, cet engagement des gens m’ont vraiment bouleversée. Avec toutes les avant-premières à travers la France, je me rends compte à quel point l’engagement est fort. On est toujours dans le dénigrement, on trouve qu’on n’en fait pas assez, mais quand je vois tout ce que les gens donnent pour une cause, ça me réjouit et je me dis qu’il est possible de faire de grandes choses.

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Dans votre film il y a deux sortes d’engagement, celui par conviction des bénévoles dans les associations mais aussi l’engagement occasionnel d’un homme.

C’est avant tout l’éloge du collectif. Je ne voulais pas faire un film militant parce que je voulais embarquer le plus de monde et revenir à une question essentielle : celle de la vie ou de la mort. Question que résume Élie Wiesel dans son discours de réception au Prix Nobel : « quand des vies humaines sont en danger, les frontières n’ont plus aucun sens. »  L’action de mon personnage résulte de cette prise de conscience que des vies humaines sont en danger dans le territoire où il habite. La question ce n’est pas est-ce qu’on est de droite ou de gauche ? Est-ce qu’on est pour ou contre l’immigration ? C’est plutôt : est-ce qu’en Europe, dans un pays créé pour construire la paix au lendemain du génocide et de la Shoah, on vit bien avec l’idée que des gens meurent en passant des frontières ? Dans mon film, un kiné ni politisé ni militant se dit : non ce n’est pas possible. Ces montagnes où il va faire de l’escalade pour puiser sa belle énergie, où il se ressource, il ne veut pas qu’elles deviennent le cimetière de l’Europe après la Méditerranée. Il rentre dans cet engagement avec son ventre, son cœur, avec tout l’idéalisme de l’adolescence alors qu’il a déjà presque 40 ans. Ce sont des gens comme lui qui permettent de faire changer les choses. 

Il est aussi question d’une forme de désobéissance

Quand on parle de désobéissance, on a l’impression de parler d’anarchistes mais les gens qui désobéissent à Besançon, ce sont des kinés, des médecins, des profs, ce sont même des flics parce que tout d’un coup, ce qu’on leur demande d’appliquer est trop difficile, trop inique. La question de la désobéissance est fondamentale aujourd’hui et m’intéresse beaucoup. Il y a plein de domaines comme l’écologie où il faut désobéir. Quand Noël Mamère a décidé, en 2004, de marier des homosexuels dans sa mairie, il a a été sanctionné, le mariage a été annulé. Vingt ans plus tard c’est le maire qui ne veut pas marier des homosexuels qui est sanctionné. Les lois bougent. En revanche, les lois de la nature et de la montagne sont immuables. Elles disent une chose, la montagne est  plus forte que nous et on doit aider celui qui est en difficulté. À Briançon, les gens appliquent cette loi de la nature dont je pense qu’on devrait tirer des leçons.

Vous avez commencé en écrivant des livres, puis des scénarios, c’est votre premier film seule, comment s’est faite cette progression ?

J’ai l’impression que le cinéma regroupe énormément de mes passions. J’adore les costumes, mes parents viennent de la mode où j’ai grandi, j’aime les travaux donc les postes déco m’intéressent, évidemment, j’adore écrire, je suis très sensible à la photo…  Je pense que d’un point de vue artistique, le passage entre l’écriture et  l’image a transité par le dessin. Je fais beaucoup de BD et dans la BD la caméra est fantôme cela m’a beaucoup aidée, j’ai storyboardé mon film. Et puis il y a l’expérience que j’ai pu vivre sur les tournages et le désir. Faire un film, c’est avant communiquer ce désir et embarquer des gens dans l’aventure. 

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Votre film a déjà reçu trois prix du public, il est cité parmi les trois films à voir en novembre et vous souhaitez toucher aussi les scolaires

Nous avons un dossier pédagogique très fort. J’espère que les scolaires viendront voir le film. Les enfants n’ont pas un très grand rôle dans le film mais ils ont un rôle capital pour moi qui est celui d’incarner la jeune génération. Le basculement s’opère aussi par le regard ce ces enfants. J’espère que les professeurs aimeront le film et auront envie de le montrer à leurs élèves. Je fais déjà des déplacements pour les scolaires partout en France. J’essaie aussi d’aller dans des territoires où le cinéma ne va pas, dans des zones rurales assez désertes pour y apporter la culture et le débat. C’est aussi l’occasion de rencontrer des gens très engagés qui défendent le cinéma, la culture pour ouvrir les esprits, proposer un débat. 

Dossier pédagogique téléchargeable sur le site les engages-lefilm.com

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