« Il n’y a pas d’âge pour commencer à monter à cheval ni pour arrêter ». Presque quotidiennement, deux à trois heures par jour, François Lucas monte à cheval au sein des installations du Pôle international de Deauville, à Saint-Arnoult (Calvados).
« Ça conserve bien, ça décongestionne l’esprit et ça me permet de n’être jamais seul : j’ai la compagnie de l’animal », sourit ce Normand installé à Benerville, qui vient de fêter ses 80 printemps.
S’il prend soin de son corps et de son esprit en pratiquant cette activité sportive régulière, il ne pense pas qu’à lui. Le cœur et la tête tournés vers le cheval depuis toujours, il fait cela pour accompagner Diablo pat, un trotteur qu’il a acquis il y a un an et demi. « Il avait 8 ans, il n’avait jamais galopé et il boitait. Je me suis dit que j’avais tout le temps de le dresser pour le faire galoper ». Un enjeu technique et sensible pour ce passionné.
Né au milieu des chevaux
Natif de Condé-sur-Noireau, François Lucas a grandi dans un milieu où le cheval était roi. « Mon arrière-grand-père était maréchal-ferrant, mon père vétérinaire et tous les enfants sont montés à cheval, ça fait partie de la culture familiale », insiste François Lucas.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa famille part vivre à Lisieux. « Mon père pensait qu’il y avait plus d’avenir autour du cheval par ici », raconte celui qui a passé son enfance entouré de chevaux.
« À l’époque, il n’y avait pas de tracteurs, les paysans utilisaient les chevaux. D’ailleurs, ces derniers avaient l’habitude de s’arrêter à tous les bistrots, sourit-il, racontant comment s’est bâtie la culture familiale autour du cheval et de l’équitation dans le pays d’Auge, alors qu’apparaissaient les sociétés hippiques urbaines et rurales. Comme on n’avait pas de moyen de transport, j’allais à cheval à Deauville, à Cabourg… Je connaissais parfaitement les petites routes du pays d’Auge ».
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Compétiteur et enseignant
Si pour lui, « trois vies ne suffisent pas pour tout savoir », François Lucas a vu, au gré de ses expériences, le monde du cheval évoluer. Cavalier de haut niveau, enseignant, préparateur de chevaux, juge ou encore organisateur de compétitions… « J’ai vécu toutes les composantes de ce monde », reconnaît-il, son long CV en main. « À mon âge, c’est normal. Autrement, c’est qu’on n’a rien fait dans sa vie ».
Entamant dans sa jeunesse une formation de dentiste, il l’arrête et retourne vers le monde du cheval. D’abord comme compétiteur, tandis qu’il passait son service militaire au centre national des sports équestres à Fontainebleau comme athlète de haut niveau.
Toutes les semaines, j’étais en compétition », se souvient-il avant d’énumérer les disciplines : « J’ai fait du concours complet, du dressage et du saut d’obstacle. Être cavalier c’est bien, mais c’est mieux d’être homme de cheval et de toucher à tout », insiste celui qui a notamment été Champion de France de concours complets en 1967.
Mais pour lui, être « homme de cheval », c’est aussi transmettre. Une activité qui a occupé une grande part de sa vie active et une vraie passion qui l’anime encore aujourd’hui. « On n’apprend pas à lire sur une page blanche », indique-t-il, appuyant sur la notion de dressage. « Le cheval ne fait pas le distinguo entre acte d’utilisation ou de dressage : il mémorise les actions tactiles et, quand elles sont répétées, il a tendance à les anticiper. C’est un jeu subtil qui doit être pris en compte. Il faut réussir à faire silence tactilement pour qu’il n’y ait que l’action utile qui ne soit perçue », dicte le technicien qui s’est formé au Haras du Pin et à Saumur.
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« Quand on juge, il y a ce que l’on voit et ce que l’on ressent »
Pour François Lucas, sur un cheval ou dans la vie, tout est une question d’équilibre. « Le cerveau du cavalier est dans l’assiette, il faut apprendre à bien se positionner à cheval, c’est primordial car c’est ce qui permet d’être disponible pour intervenir utilement auprès du cheval ».
« Quand un cavalier descend de cheval, il doit avoir le sentiment d’avoir appris et de vouloir revenir pour apprendre plus », insiste l’enseignant qui a été vice-président fondateur du Poney club de France de 1968 à 1976. « L’avenir de n’importe quel sport passe par l’éducation de la jeunesse », considère celui qui a participé à la démocratisation de la pratique.
Compétiteur et enseignant, François Lucas a aussi complété son savoir et sa pratique en étant dresseur, organisateur de concours, comme lors du Championnat d’Europe de concours complet à Fontainebleau en 2009, mais aussi juge, notamment aux Jeux olympiques de Los Angeles, Séoul et Barcelone.
Quand on juge, il y a ce que l’on voit et ce que l’on ressent : si vous n’avez pas participé à des compétitions et que vous ne savez pas monter à cheval, vous jugez ce que vous voyez, mais ça ne suffit pas. Vous affinez la note en ressentant.
Un héritage à transmettre
Toute cette pratique a permis à François Lucas de cumuler expériences et connaissances et d’avoir ce regard si fin sur les chevaux qu’il continue de porter encore aujourd’hui. Ces dernières années, celui qui était alors président du Comité régional d’équitation d’Île-de-France a notamment porté le projet d’installer les épreuves équestres des Jeux olympiques 2024 au Château de Versailles. « Ce lieu intégrait une note artistique et historique à la candidature de Paris », sourit-il.
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Président par intérim de 2021 à 2022 de la mission française en charge de conserver « l’équitation de tradition française » inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO, François Lucas ne cesse d’être animé par sa passion, par sa volonté de faire rayonner le cheval, de le démocratiser et de transmettre son langage au plus grand nombre.
Un héritage et une mission qui ne le quittent pas. « Mon père m’avait dit : dans la vie, il faut donner à sa profession un rôle social. Cela a motivé ce que j’ai fait dans le monde équestre, et je pense l’avoir écouté ».
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