Dans les salons feutrés du Deauville yacht club, entre trophées polis et rayonnages de récits de mer, Julien évolue comme un poisson dans l’eau. Cheveux en bataille, lunettes rondes sur le nez, t-shirt bleu marine, il sourit avec simplicité. On lui donnerait moins que ses 36 ans. Sa voix est posée, claire, chaque phrase pèse son poids. « Je ne voulais pas ajouter un énième Mini dans la flotte. »
Son projet tranche net : un Mini 6.50 tracté par un cerf-volant, le seul au monde. Derrière l’audace, une réflexion nourrie par un parcours cabossé et une curiosité insatiable.
Le déclic après l’accident
Après sa première Mini-transat, Julien rêvait de Route du Rhum, de bateaux plus grands. Mais un accident brutal stoppe tout : « Je me suis fait renverser par une voiture, juste ici à Deauville, devant le DYC. Je n’ai pas pu me relever. » Convalescence, pause forcée. Reste un engagement : une conférence pour son sponsor au casino. Ce soir-là, un invité de marque : Yves Parlier. « C’est quelqu’un qui m’a beaucoup marqué. Quand on aime la voile et la science, c’est une figure. » Au détour d’une conversation, un vieux rêve refait surface. Julien a commencé le kite à 17 ans. Il sait que l’aile a des avantages sur la voile : plus de puissance, plus de vitesse, plus de hauteur. « Et dans la classe Mini 6.50, c’est autorisé par la jauge. Mais personne ne l’avait fait avant. »
Une semaine plus tard, il rappelle Yves Parlier : « On va essayer de gagner une Mini-transat avec un bateau à cerf-volant. »

Le kite change tout
« Un kite, c’est plus puissant qu’une voile. Plus haut, plus rapide, avec une meilleure forme. » Et surtout, pas besoin de mât : en cas de démâtage, le bateau peut continuer. Sécurité et performance.
Le système mis au point reste simple : deux lignes seulement, déportées par un tangon en carbone. « C’est comme un cerf-volant de plage, mais qu’on adapte avec des winchs. On peut envoyer l’aile en plusieurs étapes, quart par quart, jusqu’à 80 m². Et une fois en l’air, elle peut rester des jours sans bouger. »
L’avantage le plus inattendu ? La stabilité. « Une voile appuie, elle fait gîter le bateau. Le kite, lui, tire par le haut. Il allège la coque, il la fait passer plus doucement dans la mer. Même par 5 m de houle, le bateau est plus stable, plus volage, plus léger. »
Repenser la coque
Impossible de greffer un cerf-volant sur une coque classique sans perte. Julien a donc reconçu le bateau autour du kite par le chantier Grand Largue Composites, à Caen.
« Avec un kite, on n’a pas besoin d’élargir le bateau pour contrer la gîte. On peut rester étroit, plus léger, moins de surface mouillée. On gagne sur tous les tableaux. » Son futur Mini fera 6,50 m pour 2 m de large, contre 3 pour les autres. Plus fin, plus rapide. « C’est fou à dire, mais avec ce gréement, le seul risque, c’est que le bateau s’envole. »
Un laboratoire de mer
Les essais parlent d’eux-mêmes. Avec une coque de récupération mal adaptée, le prototype a déjà tenu 10 nœuds de moyenne par 20 nœuds de vent. « Aussi vite que les plus rapides de la flotte, avec un bateau qui n’était qu’une épave. Quand on passera à 80 m², on sait qu’on tiendra les vitesses calculées. »
Il détaille les allures : « Le portant reste difficile, mais au largue serré, on a des gains énormes. » Sa maîtrise du routage et des VPP (Velocity Prediction Programmes) lui permet de comparer : « Je sais à quelle vitesse vont les autres Minis. Je sais aussi quelle vitesse je dois battre. »
Traverser autrement
Julien a déjà fait une Mini-Transat. Il connaît les nuits blanches, les grains, la solitude. « En mer, on ne peut pas mentir. Quand on échoue, c’est sur soi. Quand on réussit, c’est beau. J’aime cette honnêteté-là. »
Il ne cache pas la difficulté : « Il faut être kitesurfeur et marin. Il faut accepter les échecs, larguer, recommencer, inventer des procédures. On a dû réinventer des manœuvres que personne n’avait jamais faites. » Son objectif est clair : 2027.
Les plans sont prêts, les ailes aussi. Ce qui était compliqué a été géré. Maintenant, il faut construire le bateau.

Trouver des soutiens
Le budget ? 250 000 € pour la construction, 100 000 par an ensuite. Des fonds privés surtout, quelques aides du Département, mais rien de la Région. « C’est dommage. Tout l’argent va dans l’économie locale. Le chantier est à Caen, les cordages viennent du Nord, les winchs de Honfleur, l’habillement de France… J’essaie de travailler au maximum avec du local. »
Il admet son point faible : « Je ne suis pas un bon commercial. J’aimerais que les gens ressentent la même chose que moi pour ce projet. » Mais il y croit. Et il rêve « d’un passionné qui préférera investir son argent dans quelque chose qui écrit l’histoire de la voile plutôt que le laisser dormir. »
Un pari sérieux
« Ce n’est pas parce que c’est fou que ce n’est pas sérieux. » Autour de lui, les meilleurs : Yves Parlier, Grand Largue Composite, des architectes brillants. « On a déjà les Stradivarius de la construction de bateaux. Et la France est forte là-dedans. »
Sur le ponton au pied du yacht club, son Mini sans mât attend Julien. Étrange silhouette, mais déjà promesse d’avenir. Le skipper sourit, presque gêné. « Never give up. C’est le mot d’ordre. Peu importe si ça ne marche pas du premier coup. On recommence, jusqu’à ce que ça passe. » Et ça va passer.
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