Depuis Deauville, l’écrivaine Sarah Barukh milite contre les violences faites aux femmes

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Rencontrée au restaurant Le Hibouville, à Deauville (Calvados), où elle réside désormais, l’écrivaine Sarah Barukh est lucide. Elle a traversé l’enfer et en est sortie vivante avec une pulsion d’espoir contagieuse dans laquelle elle entraîne les autres femmes concernées.

« J’ai grandi dans l’amour, sans manquer de rien, j’ai fait dix ans d’études. J’avais toutes les cartes en main pour avoir une vie jolie. Donc, une victime de violences conjugales, ça ne pouvait pas être moi. »

Sarah Barukh

Et pourtant son calvaire a duré dix ans. Quel grain de sable s’est donc glissé dans l’engrenage pour que Sarah Barukh se retrouve empêtrée dans la machine judiciaire entre la police, les avocats et autres assistantes sociales ?

Difficile d’admettre qu’on est victime quand la violence ne s’annonce pas. Car elle s’immisce lentement, sûrement, sourde et insidieuse. C’est du « grignotage », décrit l’écrivaine connue, entre autres, pour son roman Le cas zéro

« Enfuie-toi »

« Personne ne va au devant d’un mec qui se balade avec une hache dans la rue », ironise Sarah Barukh. La violence progresse masquée, s’arme de l’« emprise » et de la « domination » jusqu’à ce que soit toléré l’inadmissible.

« Enfuie-toi », lui avait demandé par texto sa psychiatre alors qu’elle encaissait la double peine pendant le confinement, avec son bébé. « Mais le temps de la victime n’est pas celui des proches », confie celle qui a vécu « la guerre, tous les jours à la maison. »

Il lui a fallu quitter « 700 fois » le père de sa fille avant de partir, une bonne fois pour toutes. Lui, traumatisé dans son enfance, avait une peur panique de l’abandon et la retenait physiquement, psychologiquement, par tous les moyens. Déçue en amour, souvent quittée, Sarah Barukh était flattée d’être devenue, soudain, indispensable à quelqu’un.

La violence se glisse dans les « failles narcissiques »

C’est ainsi que la violence s’était faufilée dans chacune des brèches de ce « continuum ». C’est ainsi qu’elle se glisse, à chaque fois, dans des « failles narcissiques », a-t-elle constaté en réalisant son ouvrage 125 et des milliers.

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Pour se convaincre qu’elle n’était « pas folle » et mieux comprendre comment elle avait pu en arriver là, Sarah Barukh est donc allée chercher les réponses chez 125 autres femmes.

125 femmes qui n’ont pu échapper au caractère mortifère de leur relation. Pour comprendre leur histoire, l’autrice a rencontré leurs proches. 

« 125, c’est le nombre de féminicides en moyenne, par an, en France », explique l’écrivaine qui s’est employée à trois ans d’enquête pour raconter qui elles étaient, avant d’être tuées.

Je suis juive ashkénaze. Certains membres de ma famille ont été déportés, leur identité réduite à un numéro sur leur bras. Et si j’avais été le 22e féminicide de l’année en cours ? Si moi aussi, j’avais été réduite à un numéro ? Ma mère aurait pété les plombs. 

Sarah Barukh

Des visages derrière des statistiques

Alors, avec détermination, la quadragénaire a remonté les comptes-rendus de justice des pages fait-divers des journaux, à la recherche de ces anonymes, pour les rendre visibles. Comme Myriam, abattue d’un coup de fusil dans le dos.

Elle était championne d’équitation, avait fait la guerre, savait piloter un hélicoptère, tirait.

Sarah Barukh

Le macabre décompte prend une tout autre envergure quand on met des visages sur des statistiques. Là est la force magique du récit. 

Victime, c’est un terme juridique, cela correspond à une période de la vie. Ce n’est pas parce que tu as eu un rhume que tu vas rester enrhumée toute ta vie. L’admettre permet de se réconcilier avec une part de soi, d’être fière d’en être sortie et de cesser de souffrir.

Sarah Barukh

Son œil pétillant et son sourire indéfectible sont authentiques. Chevelure de jais et type méditerranéen, l’écrivaine d’origine tunisienne parle avec douceur mais ne mâche pas ses mots pour autant. 

L’ouvrage collectif rassemble les plumes de femmes d’affaires, d’actrices, de chanteuses, de femmes politiques… Comme Roselyne Bachelot, Olivia Ruiz, Marlène Schiappa, Alessandra Sublet, Julie Gayet ou Andrea Bescond.

Du traumatisme au militantisme

Le livre 125 et des milliers, édité en mars 2023, sort en même temps que le documentaire Vivante(s) diffusé depuis le 5 mars sur Canal+.

Le film, signé Claire Lajeunie, montre le quotidien de l’écrivaine devenue militante contre les violences faites aux femmes. Car après le livre, Sarah Barukh s’est sentie « redevable » envers les familles.

« Il faut parler des violences, oui. Mais en parler autrement. Dans le documentaire, une série de solutions sont évoquées… »

Sarah Barukh

Sarah Barukh ne laisse rien au hasard et son imagination en termes de solutions est très fertile. « Un viol traumatisant m’a d’abord fait perdre ma voix avant d’atteindre mes yeux. Depuis, les contours sont flous, il y a des zones de flottement. Je ne vois plus les limites en somme », sourit celle qui est en train de « faire bouger les lignes. »

Outiller les victimes et leurs proches

Le podcast Sous emprise a été lancé pour « lutter contre les idées reçues sur la violence » et des collaborations sont à venir avec le secteur de l’entreprise puisque « 62 % des femmes sujettes à des violences conjugales sont salariées. On consacre les deux tiers de notre temps au travail, c’est du bon sens que d’investir le monde de l’entreprise, sinon on se passe d’une énorme possibilité de lutter contre ce fléau ».
Sarah Barukh aimerait développer un système de parrainage entre des femmes victimes et des marraines ou parrains inspirants, qu’elles puissent choisir.
Enfin, une solution d’hébergement d’urgence est en phase de test dans le département du Val-d’Oise et pourrait être déployée à plus grande échelle par la suite. Toutes ces actions sont portées grâce à la création de son association 125 et après, encore quête de fonds pour soutenir ces projets.

Ne pas attendre d’être dans le rouge pour partir

Le test Suis-je victime de violence ? sous la forme de questions/solutions a été créé pour pallier le violentomètre.
« Certaines femmes vont rester toute leur vie dans la zone rouge, tandis que d’autres vont être tuées dans la zone orange. Or le violentomètre insinue qu’il faut impérativement partir quand on est dans la zone rouge. Cela me pose problème. »
Le sac Olympe a été créé en collaboration avec la marque Rive droite. Doté d’un faux fond dans lequel se trouve un QR code, les femmes y trouveront la liste de tout ce qu’il faut emmener, du doudou de l’enfant à sa propre carte d’identité.
« Je voyais la nécessité d’outiller les proches pour qui c’est peut-être plus facile d’offrir un sac que d’aborder une conversation difficile. » 

Vivante(s) de Claire Lajeunie, sur Canal+ disponible sur MyCanal jusqu’au 24 avril 2024.125 et des milliers, de Sarah Barukh, aux éditions Harper Collins, 544 pages, 20 €. 

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