Le Festival de Deauville sous le charme d’In The Summers

La 50e édition couronne doublement ce portrait, sur une décennie, de deux sœurs et de leur relation houleuse avec leur père.

De notre journaliste à Deauville,

Un palmarès étendu pour célébrer un demi-siècle d’existence. Après 14 films disparates (et fort inégaux) et une semaine de projections, le Festival du cinéma américain de Deauville a rendu, samedi soir, un verdict unanime. Le jury de Benoit Magimel et celui de la révélation d’Alice Belaidi ont eu un même coup de coeur pour In The Summers. Ce premier film semi-autobiographique d’Alessandra Lacorazza repart avec le Grand Prix et le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation 2024. 

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Déjà récompensée à Sundance en janvier, cette chronique, courant sur une décennie, suit deux sœurs rendant visite, l’été venu, à leur père au Nouveau Mexique. Vivant au départ ces retrouvailles avec l’émerveillement de l’enfance, Violeta et Eva ouvrent les yeux l’adolescence venue sur l’addiction à l’alcool de leur père. Les liens se distendent entre les jeunes filles et leur géniteur, comme au sein de la fratrie. Avant que le pardon ne se faufile, malgré des souvenirs douloureux et parfois fort contrastés.

Le prix du Jury revient lui au thriller The Knife , avec Melissa Leo en inspectrice méfiante, sur la descente aux enfers d’un père afro-américain du Maryland. Chris, un ouvrier du bâtiment, est réveillé en pleine nuit par une intrusion à son domicile. Lorsque la police arrive, l’intruse, une vieille femme, gît sur le sol de la cuisine, inconsciente, un couteau à la main. Chris devient un suspect. À travers des interrogatoires éreintants, le réalisateur Nnamdi Asomugha montre comment le système judiciaire et policier désavantage systématiquement la communauté noire.

Le noir et blanc plébiscité 

Plongée effrénée en noir et blanc dans les cuisines d’une cantine new yorkaise bas de gamme et peu ragoûtante, La Cocina remporte le prix Barrière du 50ème. Comme dans la série The Bear, tout n’est que frénésie, chaos et tensions dans le film du Mexicain Alonso Ruizpalacios, qui a eu les honneurs de la Berlinale en février et est basé sur la pièce de théâtre d’Arnold Wesker. La plupart des chefs et commis sont issus de l’immigration. Ils chassent le rêve américain mais sont enfermés dans la précarité. Sans ce travail éreintant et ingrat, pas de papiers. Cette cocotte-minute ne peut qu’imploser. Notamment pour le bouillant et idéaliste Pedro, à deux doigts de se voir renvoyer et dont la petite amie serveuse Julia (Rooney Mara) ne veut pas garder l’enfant.

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Le noir et blanc est aussi la marque de fabrique du délicat Color Book , prix de la critique. Le réalisateur David Fortune y raconte la journée du combattant d’un père pour emmener son fils trisomique à un match de football. De bus en métro, ce périple met en lumière la solitude des familles d’enfants handicapés, tout comme l’amour et la fierté que porte le héros, tout juste devenu veuf, envers son rejeton accro aux dessins et aux ballons. Un facétieux et têtu gamin, avec qui il doit apprendre à communiquer.

Le Jury du Prix CANAL + spécial 50e anniversaire récompense le minimaliste The School Duel de Todd Wiseman Jr. Dans le sillage de Civil War d’Alex Garland, cette dystopie imagine des Etats-Unis où la Floride est devenue indépendante et a aboli le contrôle des armes à feu. Chaque année un concours à la Hunger Games permet à des lycéens de s’affronter armes à la main. Seul un participant peut ressortir vivant de ces cruels jeux. L’ambition du propos sur la violence est bien là, mais la mise en scène trop spartiate et anesthésiée alourdit l’ensemble.

Le prix du public revient au récit The Stranger’s Case qui suit le calvaire d’une médecin syrienne et de sa fille. Persécutées par les pro-Assad, elles sont obligées de fuir Alep. Elles deviennent des réfugiées aux mains de passeurs peu scrupuleux. Parmi ceux-ci, un étonnant Omar Sy qui joue un personnage, enfin éloigné de son registre bienveillant habituel. Divisé en quatre chapitres et multipliant les points de vue, ce film de Brandt Andersen emmène le spectateur sur les embarcations gonflables de fortune sur lesquels s’entassent les migrants au péril de leur vie. La mer est rarement clémente. Le cinéaste, qui a grandi dans le Bordelais, consacre son dernier acte aux secouristes grecs, impuissants et meurtris face à tant de tragédie.

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Les cinéphiles pressés de découvrir ces récits devront ronger leur frein. Aucun de ses titres ne dispose pour le moment de date de sortie en France. Espérons que leur présence au palmarès leur donnera un petit coup de pouce. 

On regrettera l’absence parmi les primés de ce samedi de l’étonnant et lumineux Sing Sing de Greg Kwedar sur le pouvoir du théâtre et de la création en prison et du huis-clos Daddio de Christy Hall,  longue conversation sur l’amour et le désir entre un chauffeur de taxi, campé par Sean Penn, et une passagère, jouée par Dakota Johnson. Le premier, qui pourrait valoir une nomination aux Oscars du meilleur acteur à Colman Domingo, sort sur nos écrans fin janvier. Le second arrive dès le 4 décembre.

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