Ludivine Sagnier : « À Deauville, je vais me laisser surprendre…

Après deux années concentrées sur les planches où, seule en scène accompagnée d’un percussionniste, elle défend avec force une adaptation saisissante du best-seller Le Consentement, de Vanessa Springora, Ludivine Sagnier est de retour sur les écrans, petits et grands. Au cinéma, elle retrouve François Ozon dans l’énigmatique Quand vient l’automne, fable criminelle. À la télé, sur Apple TV+, on la découvre poudrée et corsetée face à Michael Douglas dans la série américaine Franklin. Elle y incarne Anne-Louise Brillon de Jouy, claveciniste et compositrice connue pour avoir été une amie proche du père de la démocratie américaine. « Une aristocrate mélancolique dont l’œuvre n’a malheureusement pas été très relayée, car elle n’échappe pas à l’Histoire écrite par les hommes », précise l’actrice. Dans l’immédiat, elle a hâte de se plonger dans les films en compétition pour la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville. Sous la présidence de Benoît Magimel, elle y débattra aux côtés d’Émilie Dequenne, Lou Lampros, Agathe Riedinger, Damien Bonnard et Martin Bourboulon. Mais sans le trompettiste Ibrahim Maalouf ni Maïwenn, écartés par les organisateurs, eux-mêmes dans la tourmente depuis que Bruno Barde, directeur du festival, est accusé de harcèlement et d’agressions sexuelles par sept de ses anciennes collaboratrices entre 2014 et 2023.

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LA TRIBUNE DIMANCHE – Étiez-vous déjà venue à Deauville ?

LUDIVINE SAGNIER – Oui, j’y ai même été membre du jury, mais c’était au Festival du film asiatique, qui malheureusement n’existe plus. Cette année, c’est la première fois que j’intègre le jury pour le cinéma américain, mais je me souviens d’être déjà venue, il y a une vingtaine d’années, et d’y avoir été très impressionnée par le charme évanescent et le charisme fou d’un jeune acteur inconnu dans un petit film indépendant intitulé Half Nelson. Je m’étais dit : « Celui-là, il a un truc. » C’était Ryan Gosling !

Comment le cinéma américain vous inspire-t-il ? Vous l’avez vécu de l’intérieur dès 2003 quand vous avez joué la fée Clochette du Peter Pan de P.J. Hogan, un blockbuster, puis avec le Napoléon de Ridley Scott…

C’est limitant de parler de cinéma américain, parce que trop souvent c’est un cinéma industriel et omniprésent qui le représente alors qu’il est multiple. À Deauville, justement, on découvre ce qui relève plutôt de l’art et essai. Cette alternative auteur m’intéresse davantage. Mes expériences de blockbusters m’ont appris beaucoup de choses. Notamment une meilleure compréhension des échelles quand tout est gigantesque et démultiplié. Sur Napoléon, mon apparition était toute petite mais difficile à refuser quand c’est Ridley Scott qui dirige ! Je me suis retrouvée face à une grosse machine, avec 600 personnes sur le plateau, des camions et des assistants partout. Un barnum délirant, inédit en France et où il est difficile de trouver sa place. Mais où on retombe toujours sur ses pattes au contact des équipes « mise en scène » et « HMC » [habillage, maquillage, coiffure], plus proches de l’acteur et de son trac. Et Ridley Scott, tout maestro qu’il est, reste extrêmement chaleureux malgré les grues et les dizaines de caméras dans le plan. C’est un contraste très particulier entre la réalité d’ensemble et l’intimité qu’on arrive à créer malgré tout.

Vous avez eu le même sentiment pour la série Franklin ?

Oui, c’est une grosse production mais sous-traitée et tournée en France dans une atmosphère quasi familiale. Michael Douglas y est pour beaucoup, car il a un sens de la fabrication des films. Il est autant producteur qu’acteur. Il respecte le savoir-faire de chaque technicien, il est très accompagnant et patient. Cela facilite et dédramatise tout. Au début, sa présence impressionne, mais il est tellement à l’écoute qu’on finit par ne plus être intimidé du tout… On se culpabilise même d’être si à l’aise !

Quelle impression procure le fait d’être membre du jury d’un festival ?

Avant tout, ça me passionne ! À Deauville, je vais arriver vierge de toute idée préconçue, me laisser surprendre et partager la surprise avec les cojurés : j’adore ça. Pour Un certain regard à Cannes, en 2013, je m’étais carrément prise pour Henry Fonda dans Douze Hommes en colère, car j’avais retourné le jury en faveur de L’Inconnu du lac, d’Alain Guiraudie, qui a eu le prix de la mise en scène ! Quelle fierté ! Au départ, personne ne voulait le primer, ils trouvaient tous le film trop « queer », alors qu’il est bien plus grand que cela. Il traite du désir et du danger avec un sens du grotesque et de l’absurde tout à fait unique. Guiraudie, quoi ! J’avais avec moi la comédienne chinoise Zhang Ziyi pour batailler et ce fut un vrai plaisir de plaider, de sentir le vent tourner, un vrai petit péché d’orgueil.

Que pensez-vous de l’éviction d’Ibrahim Maalouf – révélée par La Tribune Dimanche – du jury de Deauville cette année ?

Cela m’a évidemment touchée. Cette décision appartient à la direction du festival, qui a dû trancher une situation difficile.

Jusqu’à quel point, selon vous, peut-on « canceler » (bannir) un homme innocenté par la justice comme Ibrahim Maalouf ?

Très bonne question. Assurément, toute la société doit se la poser aujourd’hui. Je pense que personne ne peut encore la résoudre à ce stade. Et moi seule encore moins. Nous sommes encore dans une période douloureuse, mais j’espère que les années à venir vont nous éclairer et faire avancer notre réflexion.

Vous êtes très investie dans le collectif Kourtrajmé, où vous dirigez la section « acting ». Comment percevez-vous la nouvelle génération d’acteurs ?

Enthousiasmante ! Elle représente enfin la société dans laquelle on vit, où la diversité arrive tranquillement mais sûrement. Une jeunesse fragile, car elle souffre d’addictions que nous n’avons pas connues : les réseaux sociaux, le culte de l’image et de l’immédiateté avec, parfois, un rapport problématique à la concentration. Mais elle a beaucoup de force aussi, une passion, une curiosité et un élan de vie exemplaires. J’ai confiance dans ces contradictions. J’aime les accompagner sur le plan émotionnel, social ou professionnel. La formation est ouverte aussi bien au doublage qu’au spectacle vivant. On a monté notre compagnie de théâtre qui s’appelle Kourtrajmé et on va bientôt jouer ses premiers spectacles. Notamment une revisite d’Andromaque intitulée Andromak, dont la première aura lieu en octobre au théâtre Chateauvallon-Liberté de Toulon.

L’Amérique fait son festival

Un fringant quinquagénaire

Après la crise sanitaire due au Covid puis une longue et difficile grève des scénaristes et des comédiens, le cinéma américain relève la tête. Les stars seront donc de retour sur les célèbres planches de Deauville pour souffler les 50 bougies du festival. Une belle rétrospective sur les « 50 films américains qui ont changé notre regard sur le monde » soulignera l’importance d’œuvres comme Citizen Kane, Le Parrain, Taxi Driver ou Le Dictateur. Le jury, présidé par Benoît Magimel (avec aussi Damien Bonnard, Ludivine Sagnier [lire son interview ci-contre], Émilie Dequenne…), côtoiera des représentants prestigieux des différentes facettes du cinéma américain d’aujourd’hui, qu’il soit indépendant, classique ou hollywoodien, comme le documentariste Frederick Wiseman ou le réalisateur James Gray. Les actrices Michelle Williams et Natalie Portman seront de passage, et Daisy Ridley (Le Retour de la Force) recevra un prix du Nouvel Hollywood ; des hommages seront rendus à Francis Ford Coppola et à Michael Douglas, habitué du festival. Le réalisateur Sean Baker, Palme d’or à Cannes cette année, sera aussi de la partie. En compétition, quatorze longsmétrages, dont huit premiers films, décortiqueront notre société en s’intéressant particulièrement à des sujets liés à l’héritage, la filiation et la transmission.

Du 6 au 15 septembre. festival-deauville.com

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