« C’est un immense soulagement après trois années de malheurs et de souffrance pour lui-même, ses proches et toute la grande famille du sauvetage en mer », écrivent les 28 sauveteurs en mer de la station de Trouville-Deauville.
Quelques heures plus tôt, ce mardi, certains d’entre eux avaient tenu à être présents, comme une centaine d’autres bénévoles de la SNSM, mais aussi des pêcheurs, pour le délibéré de l’affaire du naufrage du Breiz, en soutien au capitaine de la station de Ouistreham, Philippe Capdeville, qui a été relaxé. « Il y a une vraie solidarité du monde de la mer en général, mais aussi entre toutes les stations de la SNSM, on se connait tous », insiste Emmanuel Guilet, bénévoles, montrant tous les écussons des autres stations de la SNSM accrochés au mur.
Une solidarité pendant le procès
Pour rappel, ce naufrage avait eu lieu lors d’une opération de remorquage en janvier 2021, où trois marins avaient péri au large de Lion-sur-Mer. Il y a quelques semaines, lors du procès, cinq personnes étaient jugées : le patron du canot de la SNSM, le co-armateur du navire, deux fonctionnaires de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) et un expert maritime.
En soutien au patron du canot de sauvetage de la SNSM d’Ouistreham, de nombreux bénévoles, comme ceux de Trouville-Deauville, s’étaient alors mis en indisponibilité. Un an de prison avec sursis ainsi qu’une interdiction de navigation de deux ans avaient été requis à l’encontre du bénévole.
« Avec le procès du Breiz, on se rend compte qu’il existe un risque juridique : celui de se retrouver devant un tribunal, sur le banc des inculpés. Ça, c’est quelque chose qu’on n’avait jamais vécu et pour lequel on n’est pas équipé », expliquait alors Bruno Chauvin, le président de la station de Trouville-Deauville.
Rendu le mardi 4 juin, le jugement est le suivant : relaxe générale, à l’exception du co-armateur du navire qui écope d’une peine de 18 mois de prison avec sursis.
Un vrai soulagement
« Pour nous, c’est un vrai soulagement », insistent en chœur les bénévoles de Trouville-Deauville qui nuancent : « La relaxe n’efface pas les souffrances inutiles qu’a endurées Philippe tout au long de ces trois ans ».
Il y a d’abord le drame en lui-même, sortir en mer en cette nuit de janvier 2021, sous un temps mauvais, avec cette issue dramatique. Et puis il y a les trois ans de procédure, avec des charges absurdes. Bien sûr qu’on est soulagé pour lui et ses proches.
Les sauveteurs en mer de la Côte fleurie s’associent également « à la peine des proches » des trois jeunes marins victimes de ce naufrage.
La mer est cruelle, ce drame nous le rappelle encore. Il nous conforte dans notre mission et dans notre engagement à sauver des vies. C’est la raison même de notre engagement : être disponible, sortir en mer du mieux qu’on peut pour sauver des vies.
« On attend des réponses rapides »
Si le soulagement est bien là, les sauveteurs en mer restent « très vigilants » pour la suite. « Déjà au lendemain des audiences et du réquisitoire, en avril dernier, nous avions attiré l’attention de tous, simples citoyens et législateurs, sur la nécessité de mieux protéger par la loi les sauveteurs en mer du risque judiciaire », rappellent-ils.
C’est le principe même du bénévolat qui est en danger.
Selon le président de la station, une enquête parlementaire aurait été ouverte. Et c’est bien aux législateurs, parlementaires et sénateurs, qu’ils demandent des réponses précises.
« On demande d’inscrire dans la loi l’exonération des sauveteurs en mer de toute poursuite et sanction civile lorsqu’ils agissent dans le cadre des fonctions de la SNSM », débutent-ils, dressant la comparaison avec les pompiers.
Par ailleurs, ils demandent « d’étendre au domaine maritime la loi de 2020, dite loi du citoyen sauveteur, qui atténue la responsabilité pénale des sauveteurs lorsqu’ils interviennent dans des situations d’urgence et des risques vitaux ».
Enfin, concernant les patrons de station qui sont aussi des marins professionnels, « faire barrière à des sanctions professionnelles leur interdisant d’exercer leur métier ». Bruno Chauvin prend l’exemple, dans sa station, d’Emmanuel Guilet, dit « Manu du Bac », professionnel de la mer « qui a besoin de ses brevets pour faire son métier ».
La SNSM de Honfleur s’exprime après le verdict
Le verdict rendu mardi au tribunal des affaires maritimes du Havre était aussi attendu de pied ferme du côté de la station des sauveteurs de Honfleur, qui avaient mis aussi en suspens une partie de leur activité. Matthieu Rossignol, président de la station de Honfleur, s’exprime : « Nous sommes satisfaits de la relaxe prononcée. Notre station attend une réaction rapide et efficace afin d’assurer une protection juridique adaptée à nos diverses missions. On a également une pensée pour la famille des marins du Breiz disparus en mer. Cette affaire laissera une cicatrice dans la tête de tous les sauveteurs de la SNSM au niveau national. La SNSM, c’est avant tout une passion pour tous les bénévoles qui risquent leur vie. Nous continuerons à être efficaces pour la sauvegarde de la vie humaine ».
Pour ces bénévoles, ces demandes précises « ne visent pas une quelconque immunité pénale », mais requièrent que les « circonstances particulières du sauvetage en mer soient mieux prises en cause et que le statut de bénévole ne nous expose pas à des risques juridiques plus élevés que des sauveteurs sous d’autres statuts ».
Des réponses qu’ils souhaitent rapides, d’ici cet automne, afin de « rassurer les sauveteurs bénévoles ». Emmanuel Guilet, dont « l’engagement est intact depuis 30 ans », conclut : « Si rien n’est fait, il peut y avoir des patrons qui prendront des précautions avant de sortir en mer, en ne partant pas en mission selon les conditions, et c’est ce qu’on ne veut pas. Dans notre engagement, on veut aller porter secours à tout le monde par beau temps ou par mauvais temps ».
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