Deauville se met à l’heure chinoise pour les JO

Les premiers rayons du soleil du printemps viennent chatouiller la statue en pierre blanche du duc de Morny, petit-fils de Talleyrand et fondateur de Deauville, en plein centre-ville. Ce vendredi matin, c’est jour de marché ; les commerçants locaux s’apprêtent à accueillir, jusqu’à l’automne au moins, de nombreux Parisiens au sein de la cité balnéaire, surnommée le « 21e arrondissement », pour sa proximité et sa facilité d’accès avec la capitale française.

Mais en cette année olympique, du 26 juillet au 11 août (et du 28 août au 8 septembre pour les Jeux paralympiques) les Parisiens ne seront pas les seuls à fouler les fameuses planches de Deauville cet été. La ville a en effet été choisie par la délégation olympique chinoise pour accueillir à partir du 4 juillet les quelque 230 athlètes qui la composent ainsi que leurs accompagnateurs, qui pourront profiter des nombreux équipements sportifs de la ville, labellisée « Terre de Jeux 2024 », de son palais des congrès et de son calme normand, loin du tumulte annoncé dans la région Île-de-France durant la compétition.

À LIRE AUSSI JO de Paris : voici à quoi ressemble le village olympique des athlètesDans les travées du marché couvert, l’information ne semble pas encore parvenue à toutes les oreilles. Il faut dire que rien n’indique la venue prochaine de plusieurs centaines d’athlètes dans les rues de la ville. « Vous me l’apprenez, reconnaît une maraîchère. C’est bien, ça nous changera un peu de la clientèle habituelle pendant l’été. » Pour d’autres, c’est le scepticisme qui prime. Comme ce serveur qui maugrée à propos de « ces touristes asiatiques qui oublient régulièrement les pourboires ». Ou cette réceptionniste d’un bel hôtel sur le front de mer, d’ores et déjà à demi-affolée : « Une catastrophe ! C’est la clientèle la plus difficile que je connaisse. Ils sont tellement superstitieux, ils n’acceptent pas les chambres avec un 4 ou au quatrième étage ! Et ils sont très difficiles sur la nourriture. J’espère vraiment qu’ils ne viendront pas dans mon hôtel… »

« C’est amusant de faire venir les Chinois à Deauville pour les JO »

S’il y en a un, en tout cas, que la venue de la délégation chinoise ravit, pour le moment, c’est le maire de la commune. Philippe Augier (passé par l’UDF, l’UDI et désormais Horizons), en poste depuis 23 ans, a fait savoir, dès 2018, que sa ville était candidate à l’accueil d’une délégation. Manque de chance, les Américains avaient déjà trouvé leur bonheur, du côté d’Eaubonne dans le Val-d’Oise.

Alors, pourquoi pas la Chine ? « Vous savez, j’en suis à mon quatrième mandat, j’avais besoin de nouveaux défis. C’est amusant de faire venir les Chinois à Deauville pour les JO », glisse-t-il quand il nous reçoit dans le somptueux écrin des Franciscaines, un ancien couvent transformé en musée, qui accueille depuis le mois mars une superbe exposition en hommage au peintre Zao Wou-Ki.

Finalement, la Chine trombe très bien : la délégation de l’empire du Milieu cherche au même moment un point de chute et a mandaté pour cela une agence d’événementiel parisienne (Hugo Events) afin de lui trouver le lieu idéal. Après plusieurs visites techniques et diplomatiques, l’affaire est scellée lors du conseil municipal du 21 décembre 2023, avec la signature d’une convention liant la ville du Calvados et Hugo Events, mandatée par le ministère des Sports chinois.

Mais comment l’édile a-t-il réussi à convaincre les Chinois de s’installer dans sa commune de 3 700 habitants, berceau du festival américain depuis 1975, située à plus de deux heures de retour de Paris et qui ne compte aucun restaurant chinois sur son territoire ? « Notre palmarès ! » plastronne le maire Augier qui énumère : « Euro 2016 de foot : on accueille la sélection croate qui termine demi-finaliste ; Coupe du monde féminine de foot en 2019 : sept équipes, dont les quatre demi-finalistes ! »

Plus récemment, à l’automne 2022, « Paris-sur-Mer » avait été choisie par la fédération chinoise de taekwondo, qui a visiblement fait remonter l’information. « On a reçu cinq délégations chinoises depuis deux ans », résume l’édile. Dernière visite en date, le 15 février dernier, où l’ambassadeur de Chine en personne, Lu Shaye, a visité la ville, les installations et a pris la pose avec M. le maire sur les mythiques planches pour la postérité.

Au total, Deauville doit accueillir un roulement de 230 athlètes et leurs accompagnateurs, issues d’une dizaine de disciplines : le rugby féminin, la natation, le tennis de table, le badminton, la boxe, le taekwondo, le tir-à-l’arc, le tennis, le basket et l’athlétisme. En termes d’infrastructures, la cité balnéaire coche pas mal de cases pour contenter la délégation chinoise : une piscine olympique avec son bassin de 50 mètres (l’eau de mer originale de la piscine a été vidée puis remplacée par une eau plus douce pour correspondre aux homologations olympiques) ainsi que le Pom’s, le pôle omnisport de la ville qui accueille tous les sports de gymnase, de combat mais aussi une piste d’athlétisme (conçue à l’identique de celle du Stade de France où auront lieu les épreuves d’athlétisme).

Pour se loger, la délégation a jeté son dévolu sur un vaste complexe dans les terres aux portes de la ville, loin des palaces du bord de mer. La quasi-totalité de la facture des travaux, pour un montant de 400 000 euros, est réglée par la Chine. Pour la ville, « c’est du gagnant-gagnant », résume Philippe Augier.

L’inquiétude des riverains

Il n’empêche, la nouvelle ne suscite pas le même enthousiasme chez les riverains qui s’inquiètent d’une ville déjà saturée de touristes durant l’été et qui craint pour des mesures de sécurité drastiques durant la période d’accueil de la délégation chinoise. « Il ne faut pas s’inquiéter outre mesure, tente de rassurer Philippe Augier. D’une, question sécurité, on sait gérer. On a organisé le G8 en 2011. Le seul sans manifestation ! On a la mer à 180 degrés en face de nous et seulement trois accès à surveiller pour y accéder. Alors, mis à part si des manifestants veulent débarquer en sous-marins, on les verra venir. De deux, comme beaucoup de mes administrés, je n’ai pas envie de voir débarquer les cars des galeries Lafayette moi non plus, la ville serait vite débordée. »

Quand on interroge les riverains en villes, il y a ceux à qui la nouvelle ne fait ni chaud ni froid et d’autres qui sont tout de même un peu gênés par accueillir une délégation olympique d’un pays bafouant les droits humains d’une de ses minorités nationales : les Ouïghours. « Vous m’auriez parlé de n’importe quelle autre délégation, à part les Russes mais ils sont privés de JO [sauf s’ils participent sous bannière neutre, NDLR] je vous aurais répondu : “Pourquoi pas ?”, reconnaît la propriétaire d’une galerie d’art de la ville. Mais c’est vrai qu’il y a quelque chose de gênant… » Un argumentaire rapidement balayé par l’édile : « Il y a toujours quelqu’un pour nous parler des droits de l’homme… Si on commence à ne plus communiquer avec ceux qui ne les respectent pas, on ne parlera plus à grand monde… »

Philippe Augier préfère s’intéresser au positif qu’il pourrait tirer de la venue de la délégation chinoise pour sa commune. « Il y a des retombées économiques directes qui sont encore difficiles à chiffrer, car on ne sait pas exactement combien d’entre eux feront le voyage. Et puis il y a les retombées d’images ! Nous fêtons cette année le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. On parlera de Deauville dans toute la Chine ! Vous imaginez ? »



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