Pendant plus de sept décennies, Deauville a vibré au rythme de la chanson française

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Mistinguett, Édith Piaf, Charles Trenet, Juliette Gréco, Maurice Chevalier, Dalida, Charles Aznavour, Sylvie Vartan, Claude François, Joe Dassin… « Ils sont tous passés par Deauville, même ceux qu’on a oubliés », sourit Philippe Normand.

L’ancien directeur culturel de la Ville de Deauville (Calvados) et des Franciscaines partage, dans le dernier numéro d’Athéna sur la Touques, une « histoire passionnante ». Celle des grandes heures de la chanson française à Deauville, de 1912 à 1988.

Des lieux pour la chanson

Cette histoire, il la débute en 1912, au moment de l’édification du casino par Eugène Cornuché qui avait été par ailleurs directeur artistique de deux cafés-concerts parisiens.

Quand Eugène Cornuché conçoit le casino de Deauville, il imagine très vite des lieux pour la chanson : il construit un théâtre dédié au music-hall, il prévoit qu’on peut aussi faire des bals et de la chanson dans le grand hall et que le salon des ambassadeurs peut accueillir des dîners spectacles.

Philippe Normand

Un lieu aux espaces multiples tournés vers la chanson… ce qui est rapidement confirmé par la saison inaugurale du casino orchestrée par Gabriel Astruc, patron du théâtre des Champs Elysées. « Jusqu’en 1988, la chanson a été le principal axe de programmation du casino », confirme Philippe Normand.

Le grand hall du casino de Deauville.
Le grand hall du casino de Deauville. ©Collection Yves Aublet
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Un premier grand concours de la chanson à Deauville

« C’est le premier festival organisé à Deauville », insiste Philippe Normand. De 1948 à 1956, le casino de Deauville a organisé le principal et premier grand concours de la chanson. Un événement qui connaîtra neuf éditions, avec un concours qui a pour objectif de présenter une chanson créée par un interprète. « C’est l’Eurovision qui, en 1956, reprend l’idée… dans une dimension européenne », note le passionné de chanson.

Ce concours qui « embrassera tous les courants et tous les registres de la chanson » va révéler et récompenser de futurs grands noms, lançant par exemple les carrières de Juliette Gréco, Annie Cordy, Dario Moreno, Marcel Amont ou encore Nicole Louvier. « C’est une chanteuse qu’on a oubliée et qui pourtant est très importante dans la chanson, Nicole Louvier. Quand on interrogeait Anne Sylvestre ou Barbara, elles disaient que c’était Nicole Louvier qui leur avait ouvert la voie », complète Philippe Normand qui insiste :

Le Grand concours de la chanson française de Deauville demeure le précurseur des grands festivals de chanson qui vont se développer et s’internationaliser à partir des années 50 dans les stations balnéaires.

Philippe Normand

Un concours, mais aussi des galas, dans la tradition deauvillaise, notamment celui du 14 juillet qui anima la station de 1947 à 1971, au cœur de l’été. Au Salon des Ambassadeurs, le Gala tricolore verra passer Édith Piaf, Charles Trenet, les Compagnons de la chanson ou encore Mireille Mathieu.

Georges Moustaki et Edith Piaf sur la plage de Deauville, en août 1958.
Georges Moustaki et Edith Piaf sur la plage de Deauville, en août 1958. ©DR

Chanter à Deauville, un passage obligé

Que ça soit lors des « Tournées d’été », lors des « Soirées des jeunes » ou encore tout au long de l’année… le casino a vu passer de grands noms de la chanson française, jonglant entre chansons populaires et chansons d’auteurs. « Dans les années 1950 et 1960, c’est impressionnant », insiste Philippe Normand, prenant l’exemple de l’été 1955 où se succéderont au Hall de la chanson : Mouloudji, les Compagnons de la chanson, Charles Trenet, Charles Aznavour ou encore Dalida et Gilbert Bécaud. Ce dernier reviendra quelques années plus tard, notamment en 1962, le même été que Jacques Brel, et Juliette Gréco.

Joséphine Baker, lors de son dernier récital au Salon des Ambassadeurs pour le gala du 31 décembre 1971.
Joséphine Baker, lors de son dernier récital au Salon des Ambassadeurs pour le gala du 31 décembre 1971. ©Coll. Yves Aublet

« J’ai fouillé dans les archives de la presse régionale et ce qui est passionnant c’est que chaque concert était chroniqué à l’époque, s’enthousiasme Philippe Normand. On apprend des choses géniales. Par exemple, le jour où Sylvie Vartan chante à Deauville, en 1964, on avait dû renforcer la sono de la salle et une ombre s’était glissée au début du concert, quand les lumières se sont éteintes. C’était Johnny Hallyday, il avait profité d’une permission pendant son service militaire pour retrouver Sylvie à Deauville ».

L’ancien directeur culturel raconte aussi la venue de Léo Ferré en 1963 qui interprète Cannes la braguette. « Il fustige un peu les bourgeois qui paradent dans les dîners de gala… qui sont les mêmes qu’à Deauville, ça avait froissé certains spectateurs qui étaient partis », sourit Philippe Normand. Ce dernier raconte aussi comment la soirée des jeunes, où le public attendait impatiemment la fin du concert pour aller twister, a pu jouer sur les mots de Jean Ferrat, quelques mois plus tard, quand il enregistre Nuit et brouillard et écrit : « L’ombre s’est faite humaine, aujourd’hui c’est l’été, je twisterais les mots s’il fallait les twister ». « Je ne peux pas m’empêcher de penser que ça n’est pas un hasard », considère Philippe Normand qui résume :

Dans mes recherches, j’ai trouvé des articles qui fourmillent d’anecdotes. Elles montrent que Deauville était un passage obligé pour ces chanteurs, et qu’un concert à Deauville, ça n’était pas la même chose qu’un concert ailleurs.

Philippe Normand

Un passage obligé, mais aussi un lieu de villégiature où les chanteurs et paroliers aiment passer du temps. « Certains sont devenus de vrais ambassadeurs de Deauville », insiste le passionné de chanson, énumérant les noms de Maurice Chevalier, Mistinguett, Suzy Solidor ou encore de Charles Trenet. « Il vient pour la première fois en 1939… et ensuite il ne cessera de revenir. On le voit dans les caricatures de l’Office de tourisme avec les figures de l’été deauvillais ».

Régine et Maurice Chevalier lors de l'inauguration de la piscine.
Régine et Maurice Chevalier lors de l’inauguration de la piscine. ©Archives municipales / Ville de Deauville

Et aujourd’hui ?

Cette grande épopée de la chanson française à Deauville connaîtra un coup d’arrêt à la fin des années 1980. « En 1986, on autorise l’installation de machines à sous au casino de Deauville. Puis en 1987, le casino ferme pour des travaux », raconte Philippe Normand.

En 1988, le nouveau casino a transformé le Hall de la chanson en grande salle de machines à sous. « C’est une autre époque qui s’ouvre ».

La chanson, elle, survivra sur la scène du salon des Ambassadeurs et sur la scène du théâtre du casino. Mais rapidement, seront programmés des revues, puis des spectacles d’humour.

Pilier de Deauville pendant 75 ans, la chanson demeure, par à-coups. Le festival musical Swing in Deauville permettra pendant 20 ans, lors d’une semaine l’été, de rassembler des chanteurs nourris par le jazz et le swing. « À l’arrêt de ce festival, en 2008, c’est un peu le désert pour la chanson au casino ».

La programmation de la saison culturelle de la ville, puis des Franciscaines, a pris le relais, révélant une nouvelle génération de chanteurs et d’auteurs-compositeurs comme Vincent Delerm, Renan Luce, Camélia Jordana, Florent Marchet ou encore Maissiat. La chanson fait aussi vibrer Deauville lors du festival Livres & musiques ou de United Music Of Deauville.

Et l’histoire de la chanson à Deauville continue de se raconter en musique, lors de soirées organisées en hommage à des chanteurs ou aux grands paroliers qui ont fréquenté Deauville par le passé, comme Pierre Delanoë et Eddy Marnay. Avec ferveur, Philippe Normand conclut : « La chanson à Deauville, c’est du patrimoine vivant ».

Athéna sur la Touques, n°243. Tarif : 8 €.

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