Photo : « Cette exposition est un voyage vers mon passé. » Les chefs-d’œuvre de Salgado réunis à Deauville

2025 est l’année de la Saison France-Brésil, période d’échanges culturels et pluridisciplinaires entre les deux pays s’étalant d’avril à décembre 2025. À cette occasion, la MEP organise, aux Franciscaines de Deauville (Calvados) jusqu’au 1er juin, l’exposition de Sebastião Salgado intitulée « Sebastião Salgado. Collection de la MEP ». Organisée en deux parties : « Photographies 1973-1999 » puis « Genesis 2004-2011 », cette rétrospective généreuse offre un large panorama de l’œuvre du photographe franco-brésilien.

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Arpenteur du monde

Sebastião Salgado l’annonce en préambule de la visite : « cette exposition est un voyage vers mon passé ». En cinquante ans de voyages dans le monde, de l’Amazonie aux usines de l’URSS, en passant par le Rwanda ou bien les États-Unis, peu de choses de son temps ont échappé à son regard. En ressortent, dans la première partie de l’exposition, des images constitutives d’une ambitieuse parabole sur la vulnérabilité des êtres à l’ère moderne qui, derrière son objectif, n’a jamais paru aussi manifeste.

Vue de l'exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © Photo : Naïade Plante

Vue de l’exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Naïade Plante

Blessé psychologiquement et physiquement par ce constat, il tourne ensuite son regard, dans la seconde partie de l’exposition, vers la nature sauvage et les peuples autochtones. Un Éden menacé que ses profonds noirs et blancs révèlent dans toutes leur magnificence.

Sebastião Salgado, Chaîne Brooks, refuge national de la vie sauvage de l’Arctique, Alaska, États-Unis, 2009 © MEP / Sebastião Salgado

Sebastião Salgado, Chaîne Brooks, refuge national de la vie sauvage de l’Arctique, Alaska, États-Unis, 2009 Collection MEP, Paris. Don de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado en 2018 © MEP / Sebastião Salgado

Affirmation d’un style

Sa carrière photographique débute au milieu des années 1970. Il se rend en Afrique subsaharienne et travaille aux côtés de Médecins Sans Frontières pour couvrir les affrontements entre les autorités portugaises et les populations en faveur de l’indépendance.

À gauche : Sebastião Salgado, Troupes portugaises à la frontière Tanzanienne, Mozambique, juin 1974, en bas : Sebastião Salgado, Pendant une manifestation de soutien au Mouvement Populaire de Libération de l'Angola, Luanda, Angola, 1975, en haut : Sebastião Salgado, Hôpital pour populations déplacées, Adis Abeba, Ethiopie, 1974 © Photo : Naïade Plante

À gauche : Sebastião Salgado, Troupes portugaises à la frontière Tanzanienne, Mozambique, juin 1974, en bas : Sebastião Salgado, Pendant une manifestation de soutien au Mouvement Populaire de Libération de l’Angola, Luanda, Angola, 1975, en haut : Sebastião Salgado, Hôpital pour populations déplacées, Adis Abeba, Ethiopie, 1974 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Naïade Plante

Un premier triptyque composé de photographies prises en Éthiopie, au Mozambique et en Angola concentre déjà les attributs esthétiques de son œuvre. Large profondeur de champ à la frontière tanzanienne, noir et blanc granuleux à l’hôpital d’Addis-Abeba et composition suggestive pendant la manifestation du Mouvement Populaire de Libération à Luanda. Dans ses images, tout est net, contrasté et signifiant. En un mot, visible. Impossible de se dérober, de simple spectateur, le public devient témoin.

La dignité en enfer

De 1986 à 1992, Sebastião Salgado porte le projet « La Main de l’homme », pour traiter de la condition des travailleurs manuels à l’ère moderne dans une vingtaine de pays. Son style si caractéristique, prend toute son ampleur avec ce projet. La mine d’or de Serra Pelada au Brésil se transforme, derrière son objectif, en fourmilière boueuse, dévoreuse, où le spectacle de la souffrance exacerbe la dignité de l’individu. Au Koweït après l’invasion Irakienne, il produit des images surréalistes de « puits sauvages », des forages d’où gicle sans arrêt du pétrole enflammé.

Sebastião Salgado, Mine d'or de Serra Pelada, État de Pará, Brésil, 1986 © MEP / Sebastião Salgado

Sebastião Salgado, Mine d’or de Serra Pelada, État de Pará, Brésil, 1986 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Connaissance des Arts / Lucien Chancel

« J’accompagnais ceux qui avaient pour mission de fermer les puits. On n’a pas vu le soleil pendant des jours. C’était comme travailler dans la turbine d’un jet. En plus de ça, on risquait de prendre feu. Même le fait d’aller sur place était risqué, l’armée irakienne avait mis des mines antipersonnel partout. J’y ai perdu la moitié de mon audition, mais les photos sont là ». Les visions infernales de Jérôme Bosch ne sont pas loin, celles de Fritz Lang dans Metropolis  (1927) avec la photographie de l’usine de plomb soviétique de Tchimkent au Kazakhstan, non plus.

Des peuples en exode

Avec « Exodus », projet réalisé des années 1990 jusqu’au tout début des années 2000, Sebastião Salgado, lui-même réfugié politique, suit les grands mouvements de migrations humaines dans le monde. Encore une fois, désœuvrement et résilience de l’humanité coexistent dans ses images. Périple des Latino-Américains vers les États-Unis, déplacés afghans, survivants hutus venus du Rwanda, tous ces individus dessinent une carte de l’exil. Il réalise également des portraits d’enfants avec sa série « Les Enfants de l’Exode », et dans leurs yeux se dévoile tantôt la fatigue, tantôt la malice, mais rarement l’innocence.

Sebastião Salgado, série Les Enfants de l'exode. Vue de l'exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © Photo : Naïade Plante

Sebastião Salgado, série Les Enfants de l’exode. Vue de l’exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Naïade Plante

« C’en était trop pour moi. À mon retour du Rwanda, mon médecin m’a dit que je devais arrêter pour ma vie ». Il retourne alors chez lui, au Brésil, avec sa femme Lélia Wanick Salgado, et décide d’abandonner la photo. « Mes parents m’ont donné une ferme, et on a commencé à cultiver. Les fortes pluies charriaient énormément de boue et on avait du mal à tenir nos cultures. Lélia a ensuite eu cette idée géniale, celle de planter une forêt ». Ce nouveau projet rapproche Salgado et la nature. En voyant la vie renaître dans cette nouvelle forêt, l’envie de photographier lui revient.

Retour aux origines

« Après avoir travaillé sur l’espèce humaine, je voulais maintenant travailler sur toutes les autres espèces ». Après l’enfer et l’exode, Salgado poursuit son parcours biblique avec le projet « Genesis ». Des années 2000 au tout début des années 2010, le photographe se rend dans tous les espaces naturels encore préservés de la planète, bien que menacés, pour mettre en lumière la symbiose entre les animaux sauvages, les hommes et leur environnement.

Sebastião Salgado, Iceberg de Weddell, péninsule Antarctique, 2005 © MEP / Sebastião Salgado

Sebastião Salgado, Iceberg de Weddel, péninsule Antarctique, 2005 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Connaissance des Arts / Lucien Chancel

Il navigue aux confins du Sud pour raconter l’histoire de l’Antarctique, et croise ces icebergs en forme de citadelles décrits par l’explorateur Jean-Baptiste Charcot, comme si le photographe se projetait non plus dans des temps immémoriaux, mais plutôt dans une ère post-humaine, où la nature aurait repris ses droits. Sur tous les autres continents, ses noirs et blancs majestueux subliment la faune et la flore, tout en révélant sa part de mystique. Après avoir commencé en bordure, le parcours du spectateur suivant la forme d’une arabesque, se finit au milieu de la vaste salle, devant l’image d’un Bédouin méditant face à l’immensité du désert, comme une invitation à se recentrer.

Vue de l'exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © Photo : Naïade Plante

Vue de l’exposition « Sebastião Salgado. Collection de la MEP » aux Franciscaines de Deauville, 2025 © MEP / Sebastião Salgado. Photo : Naïade Plante

« Sebastião Salgado. Collection de la MEP »
Les Franciscaines,145 B Avenue de la République 14800 Deauville
Jusqu’au 1er juin 2025


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